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Eugène Durif, lundi 3 juillet
Il y a ce nom « Espace créole » sur un panneau. J’ai déjà entendu parler des enfants « déplacés », que l’on a « transplantés » de la Réunion en Creuse.
Par hasard, je rencontre (à l’hôpital où il travaille) quelqu’un qui a vécu enfant dans ce foyer, où les enfants attendaient d’être placés chez des « gardiens » (c’était le nom donné aux familles qui les accueillaient). Pour beaucoup, le terme « exploitation agricole » prenait un sens très précis. La personne qui me parle m’explique qu’il n’y avait pas seulement des enfants réunionnais, mais des gamins d’autres régions de la métropole (dont lui…). La DDASS à l’époque on appelait cela « la population française », et eux étaient surnommés « les populards ». Beaucoup de ces enfants ont été brisés, certains sont repartis, d’autres sont restés ici, certains se sont retrouvés à l’HP, d’autres sont en CAT.
Beaucoup ne cessaient de fuir ces familles d’accueil qui, souvent, les traitaient comme des esclaves taillables et corvéables à merci.
La personne qui me parle évoque ce lieu dans lequel il revient régulièrement pour son travail : « Les images, elles sont là, les cris et les rires des enfants. Quand j’ouvre la porte, je vois ma chambre… C’est ma meilleure thérapie. »
Je me dis que je vais travailler autour de cela.
Ecrire autour de ce lieu, de ces enfances brisées (ces enfants que l’on appelait les « populards », en référence à « la population française »).
Je ne sais pas encore trop quoi, ni comment mais, après ces quelques jours, c’est ce qui s’impose à moi.
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