Marie Cosnay, mercredi 26 juillet

 

Emma ma grand-mère est morte le cinquante-cinquième jour de la saison dernière. Elle ne bénéficia pas des récentes mesures de maintien. Ma grand-mère avait le corps tordu maigre musclé sec la peau brune quelques poils pas de graisse, bientôt le corps insensible à force de douleurs, et du bout de toute tolérance dans la maison d’attente il y en a de bien méchantes disait-elle, baissant la voix comme surveillée, le sourire pour contredire au cas où on la saurait dire. Ecoute-les crier c’est pas des idées crier ainsi, un jour Emma cria à son tour d’une façon pareille, ni vivre ni mourir mettez-moi en ailleurs, voyait-elle les plages où jamais elle ne fut, l’endroit d’un corps docile avec la pensée bien droite qui accompagne – à coup sûr il y avait, venus des Temps Filiaux, les chants d’oiseaux réguliers, la table de bois des ménages, coudes posés, serviettes pliées, boiseries cirées.

J’ai rendez-vous avec Myriam. Il fait une chaleur sans précédent. Les amaryllis sont délavées. Le musée est un gâteau au cœur du parc tenu comme un jouet d’enfant, un homme a voulu faire son jogging, il y a renoncé, passe devant moi suivi par une couronne de chaleur alentie. Un faux pont sur une mare, en bois faux, ciment orné de faux nœuds d’arbre. Myriam va venir. Elle ne pourra pas s’y tromper, pour rester en plein soleil, sur le banc du musée sénatorial, ce 15 juillet après-midi des Temps Filiaux où l’on m’a envoyée, il faut que j’y aie rendez-vous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour (accueil résidence en cours) | Entrée du site

 


Jour après jour, les autres textes de Marie Cosnay
10 - 11 - 12 - 13 - 14 - 15 - 16 - 17 - 18 - 19 - 20 - 21 - 22 - 23 - 24 - 25 - 26 - 27 - 28 - 29 - 30 juillet - 1er - 2 - 3 - 4 - 5 août