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Filip Forgeau | Carnet du 8 juin posté le 9 juin

 

21 heures 29.
21 heures 29. L’hélicoptère sème sa tempête au-dessus du pavillon et la terreur sur le monde extérieur qui s’est tu. Je cours à la fenêtre, ou plutôt à la vitrine, ou plutôt à la baie vitrée, ou plutôt à la paroi de verre de mon vivarium, ou plutôt à la surface plate et lisse qui ne donne aucun relief à ce drôle de monde insipide auquel j’appartiens. J’y écrase ma figure de serpent constricteur. De l’autre côté, le sable, les pelouses, les gravillons, tout tourbillonne et donne au monde une sale gueule de sale tornade. Des trucs ricochent…

21 heures 42.
Treize minutes pour écrire une telle merde. Le temps, c’est comme l’argent, parfois on le jette vraiment par les fenêtres, ou plutôt par la vitrine, ou plutôt par la baie vitrée, ou plutôt par la paroi de verre de notre vivarium, ou plutôt par la surface plate et lisse qui ne donne aucun relief à ce drôle de monde insipide auquel on appartient, tsoin tsoin.

21 heures 45.
C’est fou comme on peut s’emmerder en trois minutes.

21 heures 49.
Si encore y’avait un lapin.

21 heures 50.
Ou bien une petite lapine.

21 heures 52.
L’ennui, ça ricoche dans le temps de minute en minute.

21 heures 54.
Encore deux flaques.

21 heures 55.
Tic tac.

21 heures 56.
Floc Flac.

21 heures 59.
Levé mon cul. Collé ma gueule sur la paroi. Tout mort dehors. Le monde qui dort. Comme un hélicoptère immobile. Muet. Ni tempête, ni tornade. Toute la saleté bien à sa place. Pelouse bien plantée. Gazon bien en ordre. Gravillons tout bien rangés dans les allées. Sable bien ratissé. Rien qui ricoche. Juste tic tac. Rien que floc flac.

22 heures.
Un ennui militaire. Tout bien au garde-à-vous.

22 heures 01.
A, E, I, O, U
BA, BE, BI, BO, BU
CA, CE, CI, CO, CU

22 heures 02.
Cocu, poil au cul.
Bite, nichons, couilles.
Zob.
ZOB, ZOB, ZOB.
Zobie la mouche, Zobie la pute.
PUTE PUTE PUTE.

22 heures 03.
Bon, qu’est-ce que je fais, j’me pogne ?

22 heures 04.
Non, j’vais m’coucher.

22 heures 05.
Tic tac.

22 heures 06.
Flac floc.

22 heures 07.
Allez, bonne nuit. J’vais rêver de tornades et de saletés. J’vais faire mon hélicoptère et ça va décoiffer. J’vais sortir la vitrine et lubrifier la baie. J’vais en terroriser quek z’unes, les faire grimper à la paroi, jouer au lapin avec lapines. Leur faire crier des vivas et boire du rhum, caresser leur surface et leurs nichons même si elles sont plates. J’vais lisser leur relief, leur faire goûter mon drôle de monde à moi. Elles vont y écraser leur figure. Et puis on roulera sur le sable, sur les pelouses et sur les gravillons. On va tourbillonner dans des tornades, juste sales comme il faut. On oubliera le monde insipide auquel on appartient. Et je ricocherai sur leurs trucs. Et elles ricocheront sur les miens. Et on gueulera « Tsoin tsoin ! ». Oh oui, tsoin tsoin, ça c’est bien. On fera les fous pendant trois plombes et on emmerdera tout, les minutes, le temps et l’argent. Et on dira « Si ! », et on dira « Encore ! ». « Oui, vas-y mon lapin ! » « Encore ! Encore ! Deux flaques ! Tic tac ! Floc flac ! ». On se lèvera le cul, je collerai ma gueule sur leur paroi. Tout mort dehors, tout vivant dedans. On fera la nique au monde qui dort. Je les empalerai comme des hélicoptères immobiles. Elles crieront à en être muettes. Comme des lapines prises dans la lueur de mon phare. Jaune, rouge, vert en pleine tempête, en pleine tornade. A déplanter la pelouse, à désordonner le gazon, à aller et à venir dans les gravillons. A ricocher. A crier « A ! », à crier « E !», et « I !» et « O ! » et « U ! ». A en perdre son B, à en perdre ses bas, son B-A-BA, son BA BE BI BO BU. À faire ÇA, et CECI, et CELA, à rendre tout le monde COCU. A se promener à poil, à se promener cul nu, à s’attraper la bite, les nichons et les couilles. A faire Zobie la mouche, à faire Zobie la pute, PUTE DE VIE, CHIENNE DE VIE, JE T’ATTRAPE JE T’ENCULE !

22 heures 58.
Ça y est, j’ai joui.
C’est pas facile d’écrire quand on a la trique.

22 heures 59.
Tic tac.

23 heures.
Flac Floc.

 

 

 

 

 

 

 


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