un mot pour un autre :: les carnets de bord
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Filip Forgeau | Carnet du 11 juin posté le 12 juin
[Consigne d'écriture…]
Inventaire dans le noir… Trois chats couchés sur la pelouse. Du goudron qui fait comme de petites routes de pavillon en pavillon. Les idées de certains malades. Les cafés pris à la cafétéria. Certains voyages en hélicoptère, qui virent du rouge au noir, comme un sang qui se fige. Le rimmel quand les yeux pleurent, quand les larmes reviennent de si loin qu’elles en charrient de la boue. La boue qui coule sur ton visage. Les gros nuages au-dessus de nos têtes. L’écorce des arbres. La terre dans la paume de nos mains. Et sous les ongles. Ce mélange de terre et de sang. L’horizon parfois, ici ou ailleurs. La cave de mes souvenirs. Un tunnel sans bout au bout. Les mots dans le dictionnaire. Le sens des mots surtout. Et l’angoisse devant tant de maux. Les rondes dans la nuit. L’absence de rondes d’enfants. La présence d’enfants qui n’en ont pas vraiment l’air. Qui sont déjà adultes. Ou ne le seront jamais. Qui font de drôles de petits cris. Qui font de drôles de petits rires. Qui semblent venir d’ailleurs que de leur corps d’enfant. L’obscurité quand les plombs sautent. Et comment est-ce qu’on fait pour remettre la lumière quand on les a pétés ? Le suicide. Celui de ceux qui se sont fait sauter le caisson. Ou celui de ceux qui se sont pendus, se sont balancés au bout d’une corde. Ampoules grillées au bout de leur fil. Sans lumière, comment faire l’inventaire dans le noir ? Comment, sans lueur ? Sans petite brillance ? Sans soleil, sans étoile filante ? Sans flamme, de briquet ou d’allumette ? Sans feu de joie ? Sans phare ? Dans le noir, j’entends cette voix qui me dit : « J’ai connu un fou qui croyait que la fin du monde était arrivée… » Comment peut-il y voir si clair dans le noir ?
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