un mot pour un autre :: les carnets de bord
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Filip Forgeau | Carnet du 9 juin posté le 10 juin
[Consigne d'écriture : la révolte] Dehors, la révolte gronde. Dedans aussi ? Et quel est ce dedans ? Et quel est ce dehors ? Et quelle est cette révolte ? De l’autre côté de la vitre, un type me regarde. De quel côté est-il ? Est-il dans mon dehors ? Ou suis-je dans son dedans ? Est-il de mon côté ? Faut-il briser la vitre ? Y a-t-il une alarme incendie ? Et si oui, est-ce que ça va faire de la pluie ? Est-ce que ça va dégouliner sur la paroi ? Le type me regarde. Les yeux pleins de révolte. Une révolte sereine. Qui bouillonne. Depuis longtemps. Tranquillement. Il pleure. À moins que ce ne soit la pluie. Un jour d’été, il a plumé ses poules. Parce qu’il avait peur qu’elles aient trop chaud. Depuis ce jour, on a mis le type derrière la vitre. Trente-deux ans qu’il y est. On a dit : « Il est dément. » Alors, je demande « Ça veut dire quoi ? » « Ça veut dire quoi, quoi ? » « Démence, ça veut dire quoi ? » « Démence ? On ne peut pas expliquer, ça se voit sur les radios. » « Plumer ses poules de peur qu’elles aient trop chaud, et si c’était de la poésie ? » « De la poésie ? Peut-être. Mais la poésie, mon brave monsieur, ça ne se voit pas sur les radios. » « Et puis, mon brave monsieur, si sur 100 personnes, 99 disent que c’est de la démence, on se fiche de celui qui dit que c’est de la poésie. » Alors, finalement, le poète est fou ? Et quand 99 personnes sur 100 seront touchées par la poésie, alors, il n’y aura plus de vitres, c’est ça ? Faudrait que la poésie, ça se voie sur les radios.
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