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Pascale Lemée | Carnet du 8 juin posté le 9 juin

[Consigne d'écriture :Je suis un habitant de… Je suis habitée par…]

 

 

Je suis et serai toujours l’unique habitante de mon corps. Il n’y a pas d’autre espace pour moi à occuper, pas d’autre endroit pour moi où me tenir debout, où m’étendre, me réfugier. Longtemps j’ai cherché un ailleurs, plus longtemps encore j’ai espéré... J’ai fini par me résigner, d’ailleurs il n’y a pas. Mon corps, ma tête c’est une sorte de d’endroit, une sorte de place toute intérieure, ouverte sur le dedans, ouverte sur le dehors. Là où je me tiens, c’est là où j’habite, toujours, que ce soit pour quelques minutes, comme pour une heure, des jours, des semaines, des mois, des années, que je sois entre les quatre murs de ma chambre, dans un bar, un train, au cœur de la ville, en bord de mer, comme en terre étrangère je suis telle que me font et me défont les temps, les êtres rencontrés, aimés ou simplement croisés...

Quand je rentre chez moi, en moi, qu’à la proximité du corps des autres, des lieux géographiques  je me soustrais, quand seule je suis comme avec eux mais sans eux, je sais de quel lieu il y a quelques instants encore à peine j’étais l’habitante... et comment par chacun d’entre eux j’ai été et serai pour toujours habitée…

 

 

* * * * * *

 

 

Comme on se ressemble, j’ai pensé, oui et comme parmi tous les autres on s’est reconnus j’ai pensé aussi…

Immédiate, bouleversante la reconnaissance a été, incontrôlée comme un élan du coeur, un geste de tendresse, tellement qu’il n’y a plus eu dès cet instant et qu’il n’y aura plus désormais le corps des autres et le mien. J’éprouve ça dans un vertige heureux, trouble, troublant comme on se livre, s’abandonne au ravissement de l’évidence...

Dans les regards, les sourires et les rires, les voix qui se brisent parfois, les mains qui s’agitent, si c’est eux que je regarde encore, c’est moi que je vois, ce qu’ils donnent à voir d’eux-mêmes c’est moi, et toute entière ils me prennent, m’emportent et je laisse faire, et je me laisse faire, comme je les reçois, un à un, tour à tour ou tous ensemble… Submergée, éblouie je suis, un peu fébrile comme ça je suis aussi, émue de tant recevoir, d’être par-delà le silence déjà offert par chacun d’entre eux, une seconde fois accueillie.

 

 

 

 


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