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Pascale Lemée | Carnet du 17 juin posté le 18 juin
[Consigne d'écriture : Inventaire]
Inventaire : Dénombrement, état par articles de tous les biens d’une personne, d’une communauté, d’une succession ainsi que des éléments de sont passifs (dettes, etc.)
Oublieuse de la définition du mot dans la parenthèse je me glisse, efface les dettes, la virgule et l’et caetera pour ne garder que les points de suspension. Ce faisant, j’occulte le mot premier, en perds le sens, ne me souviens pas qu’il ait été écrit. Je suis dans la parenthèse, dans ses espaces blancs, entre ses points gorgés d’encre noire, suspendue à ce qui est advenu, à ce qui va advenir. Je ne veux rien d’autre que ça, rester en elle lovée, contre ses petits cercles de nuit me reposer, en éprouver la rondeur, la profondeur, en eux me perdre, par eux être tenue, retenue. Goûter à ce déséquilibre, jouir de ce déséquilibre, pas vraiment autre, pas vraiment nouveau, je veux ça aussi, c’est un ailleurs où me taire et écouter… me taire et écouter longtemps, longtemps…
Mais demain est venu et au dehors de la parenthèse j’ai été projetée. Dans la chaleur j’ai marché, ai traversé le parc, seule, et pour la première fois ne me suis pas perdue… peut-être grâce à la présence des hommes assis sur les bancs dans l’ombre des grands arbres qui en silence semblaient m’indiquer le chemin. Plus que quelques pas et de l’autre côté du mur de l’enceinte de l’hôpital, je serai… je suis, c’est fait. Là un autre cercle m’attend fait de chaises toutes encore vides. Autour tout est blanc, blanc et silencieux, ne serais-je donc jamais sortie de la parenthèse et le vide ne s’est-il pas rempli en un instant du corps des autres pour en délimiter l’espace comme des petits cercles de nuit ?
Les points de suspension se sont alors faits pointillés, ceux de nos vies qui se racontent, de nos regards et de nos voix qui se cherchent et se trouvent… nous parlons la même langue, nous parlons la même langue et quand nous nous taisons, le même silence nous partageons…
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