un mot pour un autre :: les carnets de bord

 

 

 

 

 

Pascale Lemée | Carnet du 19 juin posté le 20 juin


[Consigne d'écriture : Transit]

 

Dans la langue allemande il existe le mot « erwarten » qui est « attente de rien » et « abwarten » qui est « attente de quelque chose ».Pour moi être en transit c’est ça, très exactement ça, être dans l’attente de rien, dans l’attente de quelque chose de la même façon et dans le même instant ou très distinctement et en des temps différents. C’est un entre deux, un temps transitoire qui ouvre sur tous les possibles, comme sur le rien, le vide absolu.
J’aime les aéroports, les gares, les parkings et les ports, mais je ne suis pas plus en attente de quelque chose ou dans l’attente de rien dans ces endroits que je ne le suis dans mon appartement, une laverie automatique, un bar, un supermarché, une chambre d’hôtel.
Là où je me tiens j’habite et le temps qui en moi s’inscrit, qui sur moi passe ou m’oublie est « entre » toujours, entre rester ou partir, vivre ou mourir, aimer ou me taire, entre un homme ou une femme, écrire ou ne pas écrire...
Et de même ici je suis entre la folie et la mort, la raison et le désir, l’envie et le dégoût, temporairement arrêtée dans une ville prise entre Paris et cette autre là-bas en bord de mer que je bientôt je rejoindrai... mais ici comme là-bas de passage je suis, et serai... et « entre » encore, je serai.

 

 

* * * * * *

 

Dans la chaleur de midi alors qu’imperceptiblement je me sens dans le sommeil toute entière basculer, je vois des yeux. Ils sont dans les miens, sous mes paupières closes, comme ils l’étaient il y a une seconde à peine, une heure, des jours, des semaines tandis que face à face, au bord de nous toucher, nous nous tenions. Mais je m’endors, et je m’endors, et je ne sais pas, ne sais plus qui de toi, d’elle ou de lui avait ces yeux... reste intacte, la profondeur du regard, sa densité... quandtout ce qui en eux à moi encore s’adresse, quand tout ce qui en eux se tait et demande pourtant à être regardé…
A mon réveil, je crois ça soudain, que ces yeux étaient les vôtres, ceux que chaque jour sur moi vous posez, et que je ne pourrai pas, ne pourrai plus désormais jamais oublier.

 

 

 

 

 

 

 


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