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Pascale Lemée | Carnet du 25 juin posté le 26 juin
Ensemble : adjectif. L’un avec l’autre, les uns avec les autres.
Ensemble avec un autre ou avec les autres, je ne l’ai jamais été, ou presque pas, ou un peu comme ça parfois, ou peut-être l’ai-je été absolument et résolument aussi bien, dans tous les cas je n’en ai rien su, probablement parce que je n’ai jamais bien compris ce que cela voulait dire « être ensemble ».
Ensemble : nom masculin. Groupe d’éléments considérés globalement.
J’ai en horreur les généralisations, tous ces mots comme « ensemble », « famille », « groupe », « parti », « masse » ,« collectif », « collectivité » qui aliènent, annulent et broient les êtres.
Ensemble : groupes d’éléments unis par des traits communs.
Nous sommes des êtres séparés.
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Choses vues, choses entendues… (suite)
Un homme en pyjama : le code-barre sur son pantalon de pyjama, son maillot de corps.
Je ne vis pas de ma peinture, mais intérieurement j’en vis beaucoup.
Les bracelets de contention en cuir, en tissu synthétique et plastique souple.
Pour la première fois aujourd’hui, j’ai commencé à compter les jours.
Les fenêtres verrouillées.
Quand on entre à l’hôpital, on n’en sort plus, ça devient dans la vie un repère.
Des clés, une pour chaque porte.
L’hôpital, un repère, pas un poids.
Le vestiaire des infirmières : armoires métalliques grises et vert bouteille.
Infirmière : infirme d’hier.
Un homme joue seul au baby-foot.
Je suis une infirmière psy dans l’âme.
Des patients dans leur chambre.
Je sais reconnaître mes symptômes alors, dès que ça va mal, je téléphone à mon psy et je reviens à l’hôpital.
La fragilité extrême d’un corps assis dans un immense fauteuil comme dissocié de la femme qui au-dessus de lui porte sa tête, les yeux baissés.
J’évite de leur tourner le dos.
A seize heures trente, tout le monde rejoindre l’entrée et attendre là les ambulanciers.
Oh, mais toi, je vais te péter le nez !
Le visage figé d’un homme figé, son regard vide.
Je suis content que vous ayez entendu mon silence.
On a tel pouvoir sur eux…
Les personnes âgées ne savent pas quel est notre métier, elles nous appellent infirmière, assistante sociale, femme de ménage, institutrice… pour le ménage c’est vrai qu’il nous arrive de devoir le faire…
Des couverts en plastique.
Pour avoir des livres, j’ai une combine mais je peux pas vous la dire.
Une combine, pourquoi ? Est-ce que l’hôpital ne peut pas en acheter ?
Ben si, mais avec monsieur… c’est tellement compliqué que j’ai dû me débrouiller seul.
Le règlement affiché à l’entrée. Règlement dont il est impossible d’avoir une copie. Même les élèves infirmières n’ont pas l’autorisation de l’emporter à l’extérieur.
Les HO [Hospitalisé d’Office] ça nous dépasse, on est des porte-clés.
Après vingt et une heures, plus de cigarettes !
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