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François Chaffin | Carnet du 12 juin posté le 13 juin
Rémission
Une jeune femme adossée au séquoia, immobile, les yeux clos.
Un soleil énorme, accroché à la verticale, traverse un ciel brûlé, ruisselle ses brûlures, éclate ses rayons sur la cime de l’arbre, dégouline enfin sur le corps de la jeune femme.
On dirait un tableau peint avec des gouaches en feu, un pinceau de marbre.
Je m’approche, ou plutôt j’entre dans l’image, attisé par la lumière.
Je m’approche et, sans ouvrir les yeux, la jeune femme en feu me dit : « C’est dingue, avec tout ce soleil, comment pourrais-tu imaginer qu’un jour il fasse mauvais… »
Je ne sais pas si elle parle d’elle, si c’est à moi qu’elle parle d’elle-même, ou si ce n’est là que l’évocation d’une météo exceptionnelle.
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[Consigne d'écriture : rouge/vert...]
Vert
L’étendue végétale
Une île en somme
Jusqu’où dérivent
Ceux d’entre nous
Qui n’ont plus ni gouvernail
Ni aviron
Rouge
Le sang qui afflue toujours
Aux cœurs battants
De ceux dont les nerfs ont lâché
Sur des pente trop inclinées
Jaune
Un oiseau passé par hasard
Un mystère chantant
Les sud possibles encore
Blanche
La toile étendue
Les blouses emmêlées
Où se projettent les images
Tombées d’un œil irradié
Mauve
Une fleur survivante
Une fleur déguisée
Bleue
La distance
D’une main qui se tend
Vers un visage démoli
Et noire
Enfin l’ombre agissante
Qui voudrait nous embrasser
* * * * * *
A proximité de l’administration
A proximité de l’administration, il y a un cèdre inversé.
Cedrus glauca inversa.
Un arbre qu’on dirait effondré, infiniment tanné, vidé, crevé.
Un arbre dont chaque branche pousse de haut en bas, et dont le tronc se vrille interminablement pour échapper au ciel.
Jamais arbre ne m’avait évoqué une tristesse semblable, un renoncement de cette sorte.
Un arbre si fatigué qu’on dirait une flaque, un corps gisant.
Il pousse, plutôt il s’étale à proximité de l’administration.
Mais il y a trop de boulot, trop de formulaires, de protocoles, pas assez de personnel et toujours plus de malades…
Et personne n’a le temps de s’occuper de ce cèdre mélancolique.
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Jack
Jack ? Jack ! Ohé, Jack, réponds !!!
Mais putain, qu’est-ce que vous lui voulez encore, à Jack, vous voyez bien qu’il n’est pas là !…
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