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François Chaffin | Carnet du 15 juin posté le 16 juin

 

Echec et mort…

NiKolo, le vieux clown, est sorti ce matin.
Il marche, il est plein jour et Nikolo, parce qu’il est clown mais surtout parce qu’il est sorti de l’hôpital, cherche son étoile.
Il marche et il ne trouve pas, ni sa bonne étoile ni même une mauvaise, ni son chemin ni même sa voie, il marche et il ne trouve rien…
Plus de chapiteau, plus d’animaux, plus d’enfants ni parents, ni caravanes, rien.
A l’hôpital ils ont réparé sa tête, sa vieille tête de clown toute cabossée, sa tête à faire peur, à faire se marrer les gosses, sa tête qui tenait de travers, qui s’emplissait des rires et des applaudissements.
Maintenant elle est bien droite, et toutes les choses se sont bien arrangées aussi, alignées impeccable sur un cerveau passé au marbre, perpendiculaire de tous côtés.
Mais Nikolo sent bien qu’il y a quelque chose qui cloche.
Sur le terrain vague en bordure de Limoges, le chapiteau a foutu le camp, et le clown se demande bien où il va faire le clown maintenant, et pour qui, et comment.
Parce qu’il sent à l’intérieur de sa tête les choses en ordre, les choses rangées paisiblement sur les étagères de son crâne, parce qu’il sent cela alors il ne sent plus son clown.
Il ne sait pas où retrouver son clown dans le bel ordre de sa tête, parce que son clown ne vivait que dans le désordre de sa tête !
Alors Nikolo ne marche plus.
Il s’est arrêté en face du terrain vague et vide, regarde par terre où le chapiteau n’est plus, où les enfants ni les parents ne viennent plus, où les animaux n’entrent plus sur une piste qui n’est plus.
Il ne bouge plus.
Fouille à l’intérieur de sa tête pour voir si à l’hôpital ils n’auraient pas oublié un petit bout de clown, derrière les boîtes bien alignées de ses idées en ordre. Mais rien, pas la moindre trace du clown qui habitait là, dans lui, pas le plus petit reste du chaos sur quoi grimpait le clown d’avant, d’avant l’hôpital, pour s’en aller dégringoler en faisant se marrer tout le public.
Non, dans la nouvelle tête de Nikolo, il y a de l’ordre et du calme, mais Nikolo le vieux clown n’est plus là.
Nikolo n’est plus clown, Nikolo est juste vieux.
Il est guéri, les choses se sont bien arrangées dans sa tête, tout est rentré dans l’ordre, et il est sorti de l’hôpital, il a marché jusqu’à l’emplacement du chapiteau, s’est arrêté, et les étoiles, les bonnes et les mauvaises, les enfants, tout le désordre dans quoi vivait son clown d’avant, il a bien vu que tout avait foutu le camp.
Alors il prend sa tête dans ses mains, l’arrache de son cou, la secoue plusieurs fois pour s’assurer que rien ne peut plus se défaire du bel ordre qu’il y a dedans, et trouvant en ses jambes le souvenir d’une dernière pirouette, Nikolo le vieux qui sait maintenant qu’il ne sera plus jamais clown, Nikolo le vieux rien du tout se jette dans un dernier petit salto de la mort, où il arrive une trompette à la main, mais sans sa tête, ce qui fait un peu désordre quand on se présente devant l’éternité…

 

* * * * * *

 

[Consigne d'écriture : Oui / Non]



– Névrose ?
– Non…

(un temps)

– Psychose ?
– Non…

(un temps)

– Névrychose ?
– Non…

(un temps)

– Psévrose ?
– Non…

(un temps)

– Psyvrose ?
– Non…

(un temps)

– Névrosyche ?
– Non…

(un temps)

– Psynévrichose ?
– Non…

(un temps)

– Nyvropsychèse ?
– Non…

(un temps)

– Dingue ?
– …

(un temps)

– Dingue ??!
– Oui !

(ils s’embrassent)

 

* * * * * *

 

Jack

Jack a dit : touchez-vous dans la tête !
Et tout le monde a touché dans sa tête…
Jack a dit : toquez-vous sur la tête !
Et tout le monde a fait toc toc toc sur sa tête…
Jack a dit : marchez-vous sur la tête !
Et tout le monde a marché sur sa tête…
Jack a dit : qui a piqué mon ambulance ?
Et là, personne n’a touché, personne n’a toqué
personne n’a marché, et ils sont tous partis…

 

 

 

 

 

 


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