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François Chaffin | Carnet du 22 juin posté le 23 juin

 

 

[Consigne d'écriture : Autoportrait]

 

Dans un miroir de salle de bain
Je regarde dans ses yeux
Cet autre qui me fait face.

Il y a son nez, sa bouche
Ses rides et ses pilosités
Toute la pacotille du visage
Les ressemblances
Les dissemblances
Les invraisemblances
Mille têtes de mouche entre nos pupilles.

Je me regarde et je le vois lui
Très imparfaitement
Son corps, ses pensées
Son poids
Et la salle de bain qui déborde du miroir
Je vois cet homme confondu
Par de mauvaises lumières
Cet homme très myope
Qui suinte la chair et son reflet
A même l’émail du bidet.

Et sa fatigue dont il ne fait plus don
Ni à une femme
Ni au geste
Ni…

Je le regarde dans ses yeux
Dehors on entend pleurnicher l’eau de l’orage
Et dedans l’eau pisser par les robinets
Quelque amour suffoqué
Deux trois sourires qui se noient.

Le silence avance de côté
Ses pinces lancées dans les embruns.

Maintenant
L’eau a coulé
Partout des buées
Je te regarde et je ne vois plus tes yeux
Ni même l’image de tes yeux
Ni la salle de bain ni la lumière
Ils se sont enfoncés dedans
Mais dedans quoi ce n’est pas sûr
Je m’interroge
Peut-être sont-ils partis me faire un tour
Dehors l’orage crache des mouches
Après la pluie vient le beau temps
Mais le beau temps ce n’est pas sûr
Je ne vois plus personne
Je m’interroge
J’aperçois des apparences
Qui grésillent en silence
Et le crabe coupe enfin
Le jus de mes absences.

 

* * * * * *

 

 

Monologue à la barrière rouge et blanche de l’entrée principale,
dans l’hygiaphone de service


Esquirol bonsoir ?

Bonsoir, nous sommes les écrivains !

Esquirol bonsoir ?

Bonsoir ! On est en résidence ici, les trois écrivains !

Esquirol bonsoir ?

Euh… Bonsoir, on habite au pavillon des ambulanciers, tout le mois de juin, c’est juste en entrant à droite, c’est nous, vous savez, ceux qui écrivent sur l’hôpital !

Esquirol bonsoir ?

Ecoutez, bonsoir ; si vous n’êtes pas sûr, appelez le service de sécurité, ils nous connaissent, ils vous diront que c’est bien nous, les trois écrivains d’Esquirol, faites ça, s’il vous plait, il est tard, et ils vous diront de nous ouvrir !

Esquirol bonsoir ?

Dites, vous êtes bouché ou quoi ! Je vous dis que nous sommes les trois écrivains de auteursvivants.com, que nous avons du boulot par-dessus la tête et qu’il est un p’tit peu temps de nous ouvrir la porte un p’tit peu vite fait maintenant !

Esquirol bonsoir ?

Putain mais elle va s’ouvrir cette putain de porte d’hôpital pour laisser passer les trois putains d’écrivains d’Esquirol de mes deux qui arrêtent pas de passer sur FR3 Limoges que si t’étais un  peu dans l’coup tu saurais qui nous sommes et ta porte de merde c’est au garde-à-vous que tu l’ouvrirais fissa avant que j’en fasse du p’tit bois, merde !

Esquirol bonsoir ? Hé je déconne, c’est Jack !

Oh, t’es trop con, dis, ça fait une heure qu’on attend ! Ça va Jack, mais qu’est ce que tu fous dans le bocal d’entrée ?

Ben, j’ai eu un p’tit creux, alors je suis venu bouffer la gardienne et maintenant pour passer le temps je déconne avec les voitures qui entrent …

Sacré Jack, elle a pas souffert au moins ?

Tu plaisantes, je suis un professionnel, ça fait vingt ans que je vis ici… Allez, faut que je file, j’entends les sirènes de la police, je vous retrouve plus tard, au pavillon !

D’accord, Jack… Jack ! La porte, ouvre la porte !!!… Jaaaaackkkkk !!!

 

 


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