Jean-François Patricola | Carnet du 24 juin posté le 25 juin
Avec sous le bras la jambe du plus révolutionnaire des enjambements, Jack s’avança en direction du vieillard, fermement décidé à négocier le prix. Nulle palabre ni négociation n’y fit. Le vieillard coupa court au discours de Jack, trancha dans le blabla insipide du joyeux luron comme s’il avait coupé une tranche de saucisson à l’ail. Il prétexta le coût élevé du périple qu’elle avait accompli : Aden, Harar, Burka, Wachu.
ON S’EN FOU ! ÇA NOUS FAIT UNE BELLE JAMBE !
Dans la foule qui ondoie, se divise au gré des attentes de ses membres, une cour des miracles peu à peu s’invite suscitant horreur et effroi. Des fous geignant, des hommes amputés exhibant gauchement leur moignon qu’ils ont perdu à Matignon, des femmes pleines comme des outres qui n’attendent que d’être crevées par un coup de cimeterre, des vieillards séniles qui chavirent dans leur fauteuil à roulettes, des satyres poursuivant des vierges folles, toutes de blanc vêtues et frappées d’une croix rouge, qui sur le front, qui sur la poitrine, faisant d’elles des veuves patientes qui attendent que des hommes choient dans la toile de leurs paroles pour les démembrer, des monstres de foire, des femmes à barbe à papa, des hommes à la langue fourchue, des nains de jardin et des nains des banques, une jeune femme à deux cœurs, très prisée sur le marché des amantes, un homme à la tête girouette, un vieillard rabougri qui a été le dernier patient de Freud, une jeune fille à trois seins (non moins courtisée sur le marché des amants), un vieil homme extralucide, c’est-à-dire avec une troisième œil fiché sur le front, un ex otage d’Irak, un survivant danois du tsunami indonésien de décembre 2004 qui ne fait jamais de vagues dans l’équipe contrairement aux autres, plein de manières comme savent l’être si souvent les artistes, un premier ministre dépressif, un footballeur cocaïnomane, un peintre du dimanche qui peint avec ses pieds, un professeur de mathématiques tout habillé en Méphisto et, perle de l’incroyable ménagerie, une chimère fascinante : constitué du corps du dramaturge François C. et de la tête de la poétesse Pascale. L ; à elle seule cette chimère rapporte plus de la moitié de la recette au directeur du cirque ambulant qu’est le Désordre. Pensez donc ce corps est l’alliance du spectacle et, avec la tête, l’illustration des métiers d’autrefois par leurs outils : casse-noix, casse-tête, vrille. On aurait pu embaucher cette chimère au Puy-du-Fou sans la moindre difficulté ! Et puis, pour encadrer le tout, il y a la soldatesque, forcément bruyante, enivrée et qui profite de ses qualités comme de ses armes pour lutiner quelques femmes légères. Il n’en manque pas dans cette assemblée d’hommes pesants. Drapés de leur savoir et de leur pouvoir, ils vont l’amble, ces bourrins qui gagnent toutes les courses sans jamais avoir à sauter d’obstacles ! Sauf quand elles se nomment Lilli !
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