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Jean-François Patricola | Carnet du 26 juin posté le 27 juin

 

 

Y-a-t-il un écrivain dans le Pavillon des Ambulanciers ? Jour du Seigneur. Mais ça pourrait tout aussi bien être jour du saigneur tant Jack est présent ici, dans ces murs qui transpirent l’horreur et la vacuité. Et puis, s’il fallait pour s’en convaincre, il y a son couteau de boucher planté dans la paroi du mur, juste à côté de la photographie de Pascale dont une main insolente l’a pourvu de moustaches de mousquetaire. Peu importe tout cela, il convient de répondre à la question posée : « y-a-t-il un écrivain dans le Pavillon des Ambulanciers ? »  Non ! il n’y a pas d’écrivain dans ce Pavillon ! La farce est finie ! Les masques sont tombés ! Tous ont appris la nouvelle par fax. L’Hôpital psychiatrique de Villejuif a fait parvenir à tous les hôpitaux psychiatriques de France et de Navarre, les portraits de deux patients suffisamment doués pour faire de leur pathologie une force de mystification qui, lorsqu’elle est interprétée comme ici ne porte pas à conséquence mais qui a aussi, par le passé, suscité bien des problèmes. Il s’agit de Pascale L. et de François C. Ceux-là même que l’on a accueillis à bras ouverts à l’Hôpital psychiatrique d’Esquirol. Qui ont fait croire qu’ils étaient les auteurs de plusieurs ouvrages, qu’ils avaient fait encore du théâtre qui à la Rue Blanche, qui au Cours Florent, qu’ils animaient enfin des ateliers d’écritures. Lorsqu’ils revêtaient ces atours, entre bouffées délirantes et hiatus schizophréniques, ils n’étaient pas des plus dangereux. Sauf lorsque François C, se rendant au Pavillon Claudel s’est amusé, à dessein, à prononcer les mots interdits. L’infirmière en chef l’avait informé avant son intervention qu’il fallait : « ne pas prononcer les mots suivants chat, nazi, tortures, cage » ? Et lui, qu’avait-il fait sinon justement débuter son atelier d’écritures par : « J’ai dans une cage, un chat angora, un chat que le rabbin Scholem m’a offert ; un chat juif quoi ! Pour le nourrir, j’entrouvre la porte et lui lance un canari qu’il attrape à la volée. Un coup de griffe. Et puis après, il joue avec, le torture, le malmène et enfin le dévore ; toujours par la tête. N’allez pas croire que je me comporte tel un nazi… » A ces mots, l’émeute avait été totale. Les patients avaient tiré la langue aux infirmières, monté sur les chaises pour offrir leurs culs au regard affolé des personnels, exulté, fait les poiriers parce qu’ils en avaient marre qu’on les prennent pour des pommes, joué du pipeau, agité les bocaux de l’entrée en tentant d’attraper les poissons rouges qui s’y trouvaient. Pris de panique, les infirmiers, armoires à glace normandes s’étaient débandé ; les colliers anti-agressions n’y avaient rien changé. François C. avait joui, en pervers. Mais à part cet incident notable, il convient d’avouer, que les deux imposteurs n’ont, ici, pas commis de Désordre. Même, s’il y a bien cet épisode également à noter durant lequel Pascale L, se rendant dans une maison de retraite s’est dépoitraillée devant des hommes sexagénaires pour la plupart. Deux en sont morts ; raides morts ! Mais à part ça RAS ! Enfin, bref, peu importe, deux infirmiers sont venus s’emparer d’eux. Camisole de force. Sismothérapie, soit électrochocs, quelques spasmes et quelques cachets acidulés plus tard, ils dormaient du sommeil du juste dans l’ambulance qui les ramenait chez eux et d’où ils n’auraient jamais dû s’évader ! Lors d’une précédente cavale, ils s’étaient fait passer pour des infirmiers et s’étaient retrouvés embauchés dans un hôpital psychiatrique à dispenser des soins. Mais ceci est une autre histoire. Une autre histoire.

 

 


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